Le dynamisme du geste plastique de Gérard Venturelli rejoint les principes essentiels de l’œuvre ouverte, c’est-à-dire d’une œuvre qui interroge le sens, laisse des pointillés pour permettre à celui qui de lui confronter son propre temps de déchiffrage ; une démarche qui ne vise pas à contraindre le regard mais multiplie les hypothèses de jeu ; une peinture/partition qui appelle une pluralité d’interprétations. Si certaines œuvres peuvent paraître surdéterminées, l’accident et le hasard s’inscrivant de plein droit dans leur processus de création, ce n’est pas pour autant que s’impose à la perception un principe d’entropie ou de dispersion. Le foisonnement de directions que sous-entend chaque œuvre est porté par une rythmique suffisamment puissante pour lui imprimer un mouvement spécifique et conjuguer des forces apparemment disparates.

   Gérard Venturelli procède par séries thématiques. Mais s’il se trouve dans chaque série des références à des fragments de réalité (bateaux, brebis, chaises longues, persiennes, corps de femmes), c’est toujours en deça de tout aspect anecdotique ; sonder un élément initialement figuratif ou de tendance narrative équivaut dans ce cas à questionner le langage, inventer une écriture dans laquelle l’élément ausculté devient le support d’une réflexion plastique sur les rapports entre des notions fondamentales telles que celles d’intérieur et d’extérieur, de statisme et de dynamisme…

   L’œuvre de Gérard Venturelli me semble constituer une suite de plusieurs cycles de variations qui résonnent les unes dans les autres. En choisissant de me frayer toutes sortes d’itinéraires à travers les œuvres d’une même série, voire d’une série à une autre, je puis voir comment le thème, poussé au plus loin de ses conséquences, se voile et se dévoile de lui-même, sans que le peintre n’ait à recourir à d’artificiels procédés de transformation, déformation. Dans le travail de G.Venturelli, à la suite d’une lente maturation dont chaque œuvre/étape porte la marque, le thème exploré devient geste qui trouve conjointement sa temporalité et sa matérialité ; de chaque œuvre, je vois émerger une modalité possible d’écriture plastique à partir d’un élément de base qui en représente le nécessaire catalyseur.

   L’intérêt de la démarche ne me paraît pas seulement résider dans le fait de reconnaître le thème et de suivre ses différentes métamorphoses, à la manière d’une ligne mélodique, mais de sentir en quoi il est en mesure d’assurer l’organicité d’une œuvre à la fois complexe et ouverte, d’engendrer et allier plusieurs principes de tension dans une même œuvre, de concilier des qualités de violence et d’intériorité, des axes temporels très diversifiés, de l’élan au suspens, sans que je puisse y déceler une simple ambition, délibérée, de synthèse de la part du peintre. De ce fait, l’œuvre de G.Venturelli m’apparaît comme un travail qui déborde tout système posé a priori, engagé dans le sens d’une remise en question et d’un risque permanents, donc de la chance. L’énergie qui s’impose de toute évidence dans ses dessins ou dans ses toiles ne résulte pas seulement de la nature de ses gestes mais, plus essentiellement, de son appréhension des signes à travers une démarche capable de les soumettre aux multiples tempi du temps.

 

Jean-Yves Bosseur
Compositeur

 
 
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